Les nouvelles valeurs du paysage
À partir des années 1980, la problématique de l’étude des paysages se
trouve profondément renouvelée. Les premiers signes avant-coureurs se
trouvaient dans la revue l’Espace géographique (fondée en 1972 par Roger
Brunet) qui proposait un détour par la sémiologie afin de distinguer le
registre des faits matériels d’observation, familier aux approches classiques
et celui des significations particulières ou générales qui leur sont liées
(Levy-Lussault). Ce langage des signes avait été décrypté par des philosophes ou écrivains comme Roland Barthes et offrait des perspectives aux géographes (le paysage dans la publicité ou dans les guides touristiques par exemple).
Mais c’est la sensibilité nouvelle aux questions d’environnement qui fait
du paysage un nouveau paradigme de la géographie. Georges Bertrand
constate que l’environnement replace le naturel au cœur du social. Une
nouvelle définition du paysage est alors possible :
La représentation territorialisée de l’environnement, qui est situé
géographiquement et caractérisé par des composantes matérielles qui ont
aussi une valeur culturelle (Levy-Lussault).
En effet, le paysage n’est pas seulement une combinaison d’objets
matériels que l’on peut décortiquer ; il véhicule toute une série de valeurs
recensées par Brunet-Ferras :
- une valeur d’usage. Il donne les repères, la familiarité avec les lieux.
Le paysage familier est aimable, ou il est chargé de toutes les haines
et de toutes les frustrations.
photos prise par JLBézos (grande plage Biarritz)
- une valeur marchande. Le paysage se vend et parfois s’aliène. Il est
des « vues » que l’on achète avec l’appartement.
Photo prise par JLBézos habitat à Biarritz
- une valeur de conservation. Par définition l’esthétique du paysage est
conservatrice. Le paysage est surtout rural : ce sont des citadins qui
le contemplent et qui en parlent, qui le consomment quand d’autres
l’ont produit.
photo JLBézos (les bords de l'Adour)
- une valeur d’intégration. La communauté crée des stéréotypes unificateurs, des paysages symboliques. « Aussi bien les discours sur le paysage sont-ils souvent des discours métaphoriques sur l’identité nationale, et fleurissent-ils quand celle-ci veut s’affirmer » (A. Berque, « Médiance de milieux en paysages »).
La diversité des valeurs attribuées au paysage est nécessairement source
de conflits entre acteurs spatiaux. Faut-il considérer le paysage d’abord
comme patrimoine et donc le protéger ou bien faut-il accepter de le voir
évoluer du fait des aménagements humains ? Pour Jean-Robert Pitte, le
paysage est devenu une affaire politique : les paysages reflètent largement
les principes politiques gérant les sociétés. La réussite du contrôle de
l’environnement ne peut être que le fruit d’un dialogue entre de multiples
intervenants, sous l’arbitrage du responsable politique, l’usager étant la fin
ultime.
Le paysage comme « cadre de vie », produit d’héritages du passé (dont
certains peuvent être, aujourd’hui, non fonctionnels mais encore décelables
pour qui sait voir), soumis à de permanents conflits dont il traduit
visuellement les résultats, continue donc de représenter un champ de
recherche très riche pour les géographes, de même que pour d’autres
spécialistes.