Avant propos

Publié le par Jean loup Bézos

 

 

 

 

BIOGRAPHIE DE JEAN LOUP BEZOS

 

EN SAVOIR +

 

"Raymond me présenta Jean Loup Bézos, qui assura l'exposition "César-Féraud-Viseux" à Biarritz. Nous sommes devenus complices, aujourd'hui encore nous partageons le goût de la liberté du dire. Il a été loufiat chez Albert à Biarritz, galeriste, peintre de "la figuration critique du monde", loin de celle dite "nouvelle" ou "narrative" enregistré par l'histoire. Avec une exposition dans les halles de Biarritz, il planait au-dessus de la "belle bouffe" avec des portraits éloquents. L'humour et l'acide des mots nous aident à surmonter le banal quotidien. "provocateur providentiel, il est lui aussi un bourreau de ce monde hagard", comme disait Eduard Jaguer."

(extrait de "Claude Viseux, récit autobiographique p47 édition d'art Somogy  Octobre 2008 )

Claude Viseux 1991 Claude Viseux dans son atelier

 

 

 

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 Entre ombre et lumière


 

Il y a dans mon travail une part diurne c’est la partie de ma production que j’appelle « journalistique », souvent réalisée sur le support du journal Sud Ouest (ancien format). 


picinepalais

Le point d’orgue de ce travail est le livre hors format  édité par Atlantica qui retrace en image, à la manière d’un journal intime, aux travers mes souvenirs, ceux de toute une génération (celle des années 50, 60). 

Les-temps-electriques


« Journalistique »,c’est ainsi que qualifia ma production, un sourire moqueur à peine voilé  à la commissure des lèvres, JCD, critiquant narquoisement ma façon de peindre.


Car ma pratique insouciante de la peinture lui apparaissait, sans doute, à l’abri de la fameuse angoisse existentielle à laquelle il faisait souvent référence, s’identifiant à un peintre de beaux arts. Il avait du mal, probablement, avec mon dilettantisme chronique, tenaillé qu’il était par la nécessité de devenir, quand à lui, peintre d’entre les peintres.


j’aimais la peinture des autres et bien sûr la sienne, mais cette exigence qu’il avait n’était pas mienne. Lorsque j’éprouvais le besoin de peindre ce n’était jamais chez moi qu’un besoin de plus. Besoin d’argent, besoin d’aimer, besoin de manger, de boire… J’aimais vivre plus que j’ambitionnais vraiment de devenir une autre personne que moi-même tel quel, c’est à dire une espèce d’adolescent attardé que toutes règles continuaient à rebuter. Je pense aujourd’hui que cette attitude morveuse a dû compromettre mon devenir social, mais étais-je armé pour les grandes joutes courtisanes ? Avais-je le goût de ces récompenses qu’on obtient par le mérite ou les faveurs ? je ne le crois pas.


En tous cas je n’ai jamais su m’équiper pour ça. Bien au contraire, je rechignais sans cesse face aux obligations, préférant me faire discret et n’ayant qu’une idée en tête : qu’on me foute la paix ! Vous savez le timide au dernier rang de la classe à côté du radiateur ? C’était moi.


Et c’est vrai qu’il m’est arrivé de tourner le dos parfois à quelque chose ou quelqu’un qui venait vers moi. Croyez bien que je n’en suis pas fier, mais j’avais peur de  me foutre dedans comme on dit. Les expressions  en disent parfois plus long qu’on le voudrait . « Se foutre dedans », c’était très exactement ma crainte ? Peur d’être attiré par un leurre, de se faire piéger, enfermer dans une histoire qui ne serait pas tout à fait la mienne. Et bien, c’est exactement ça, j’avais peur de « me foutre dedans » avec les choses comme avec les gens.


Je ne dis pas que je n’ai pas souhaitais, comme tout un chacun, avoir du succès, mais c’était un peu comme avec les jeunes filles. En amour j’étais trop exigent, car je voulais toujours être le préféré.


De l’orgueil ? peut‐être … mais, si j’écoute le sang qui

battait à mes tempes à ce moment, c’est plutôt de la peur que j’entend, la peur de perdre l’autre, la peur de perdre de vue le moment que l’on chérit , définitivement, comme on perd la vie.  

  

 Et pour l’art ? pour l’art c’était la même question. Dans l’ombre j’avais le sentiment d’attendre quelque chose. Il me semblait que j’étais d’un autre temps, d’une nature que la pleine lumière ne pourrait jamais atteindre facilement.


Je ne croyais pas véritablement aux avantages du plein jour et lui préféré la calme pénombre. 


Je me sentais, en tous cas, en dehors de ce temps là où s’accomplissait au grand jour la destinée des succès. Les éclats du grand jour ne me regardez pas.


J’ai dis ainsi un jour a un croyant que Dieu ne me regardait pas, ce qui revenait à dire que pour moi l’avenir n’étais pas guidé par  un repère visible comme, par exemple,  une étoile dans le ciel, qui aide le promeneur à s'orienter dans la nuit..


Adolescent je voulais écrire un roman. Ça devait être l’histoire d’un jeune homme qui s’identifiait à une ombre et se maquillait avec un fond de teint blafard. Le titre aurait été « Le miroir au masque ». Je crois que ce projet en disait long sur le ressentiment que j’éprouvais alors pour la vie au grand jour.


Sans doute le décès subit de mon père à l’âge de 53 ans alors que je n’avais que 13 ans  était pour quelque chose dans cette relation d’affinité que j’entretenais avec le monde des ombres.


Pour autant je n’étais pas , je le crois, une personne véritablement asociale. J’étais juste un peu à côté des réalités ou peut-être empêtré dedans.


 

Vous avez remarqué ? on rencontre souvent dans la vie des gens qui ont quelque chose en commun avec vous ? On ne cherche pas à rencontrer tel ou tel type de personne … Et pourtant ...


 

J’ai rencontré Jean Messagier alors que je ne savais pas vraiment qui il était.


J’ai lu un reportage sur son atelier dans un magasine.


Dans le numéro d'avril 81 de «  Connaissance des Arts »  on parle du Doubs et aussi du Musée de Montbéliard. Les images de l' atelier un peu fouillis dans une cabane au fond du jardin, et la maison à l'architecture contemporaine, l’éclat des toiles dont on distinguait la manière tourbillonnante m’ont plu.


 

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J’ai téléphoné au Musée de Montbéliard pour obtenir le téléphone de Jean Messagier. En 1983 je lui organisais une rétrospective au Musée de Mont de Marsan.


Messac dont j’avais exposé les sculptures dans ma galerie «Trajectoire » de Biarritz en 1988 me raconta à ce moment sa visite dans l’atelier de Jean Messagier. Messagier montrait à Messac sans doute beaucoup trop de peintures ce jour là, si bien qu’il en éprouvait une réelle indigestion. Jean Messagier produisait beaucoup, c’était sa manière d’atteindre le meilleur. Il fallait donc voir beaucoup de ses peintures pour découvrir ces moments d'exceptions qui jalonnent  son travail..


D’autres pendant ce temps, comme JCD, produisaient peu. Il pouvait passer beaucoup de temps à perfectionner un seul et même ouvrage longtemps.


« Mais, Jean, il y a beaucoup de merde dans ce que tu me montres ! » fit Messac sans subtilité ni ménagement.

« Il y en a qui chient tous les jours, moi je peins » lui répondit sans ambages Jean Messagier.


Je comprends le besoin de peindre de Messagier. Ce besoin il l’assouvissait ainsi en se débarrassant vite d’une peinture, jusqu’à la prochaine, quand l’envie le reprendrait.


L’envie lui revenait régulièrement. Comme pour tout besoin vital, l’envie ne s’assouvissait en fait, jamais. Il peignait donc sans cesse pour se soulager.   

         

 J’imaginais sans peine Messagier lâchant cette phrase à Messac     « il y en a qui chient tous les jours moi je peins »


je le vois la prononcer avec cette nonchalance ironique qu’il avait à l’égard de ceux qui, croyait‐il, ne le comprenaient pas.


La crainte qu’ils aient raison contre lui le poussait à les fuir.


Le plus souvent ils les tenaient à distance avec des plaisanteries tranchantes et bigrement signifiantes, comme celle là, dont il avait le secret.


Il faisait mouche souvent, laissant muet l’interlocuteur qui s’était imprudemment aventuré sur le territoire balisé qu’il s’était réservé à l’écart des jaloux et des moqueurs.


Mais il invectivait toujours avec une égale bonhomie les interlocuteurs mal habiles, avec l’air de ne rien prendre au sérieux. C'est ainsi qu'il faisait rire les impudents.


C'était un homme de la terre, presque un paysan, pudique et roublard, qui avait l’expérience des chemins semés d’embûches


« Tu dépenses trop d’énergie à tenter de convaincre »

m’avait‐il dit un jour sur le ton du conseil,

« laisse penser les gens ce qu’ils veulent, ne te fatigue pas pour rien ».


Je pris conscience de mon genre «journalistique» grâce à JCD. Sans doute était-ce chez moi      une manière de me libérer de l’obligation de devenir peintre, de devoir sans cesse rendre des comptes au prétexte des beaux arts.



Peut‐être suis je passé à côté de quelque chose de plus intense en évitant la peinture de peintre ?


Avec cette vie à l’air libre que je m’étais choisi d’instinct comme un petit animal jamais complètement domestiqué j’étais peut‐être devenu un peu bébête, mais j’étais pénard et je dormais bien. Car ma tentation de peindre n’était pas celle d’un apprenti que l’angoisse de la réussite tracasse : ma tentation de peindre était d’une autre nature. Je cédais de temps en temps au plaisir de m’y adonner sans retenue 

 comme on céde à une belle fille qui vous tend ses bras.

Je savais donc que mon plaisir serait rare mais précieux.



 

Une autre partie de ma production depuis 2007, consacrée aux paysages et au concept d’archéologie est plutôt tournée vers le domaine des ombres et renoue d’une certaine manière, il me semble, avec mes encres de 1970.



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                   paysages de ma série d'aujourd'hui 20010


         

 

Entre ces deux manières il y a quelques travaux intermédiaires qui quoique bénéficiant d’une apparence d’éclairage diurne recèlent au creux de leur sujet des réminiscences qui sont du domaine de l'ombre comme la série des "grotesques",

 

grotesques

 

série que j’ai nommé spontanément en cours de réalisation comme on parle à haute voix en cours de sommeil. J’ignorais à ce moment l’origine de l’expression * « les grotesques ».


 

Il y a aussi une autre série de peintures que j’ai nommé « à perte de vue »

 

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inspirée par le rituel incantatoire auquel se prêtait Geronimo * avant de livrer bataille et dont j’ai relié le sens, dans mon imaginaire, à la nécessité d’évoquer le lien « à perte de vue » avec Chantal, mon âme sœur disparue prématurément.


Les peintures  de la série « à perte de vue » représente un individu relié a son double par un bandeau qui voilent les yeux, ce qui exprime pour moi le signal d’autre possibilité de points de vue ,différents de la vision  les yeux ouvert.

Dans cette sorte de rituel "les deux acteurs" relient leurs énergies intérieures l’un à l’autre afin d’ouvrir des perspectives intériorisées, qui  peuvent se déployer « à perte de vue ».

 


 

Les peintures des séries "les grotesques" comme celle de "à perte de vue" font pour moi un pont entre le domaine des ombres et celui de la lumière.

 


 

J’aime imaginer la scène de la série « à perte de vue » sous la forme d’une chorégraphie rituelle impliquant une gestuelle mécanique et répétitive je pense à  quelque chose de proche de « singing sculpture » de Gilbert and George que j’ai vue en 1995 au C.A.P.C de Bordeaux et que j’avais trouvé fascinant.

 

 

 

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La lumière solaire, comme celle des néons publicitaires,  ou des rampes de lumières au spectacle projette en avant, à l’épreuve du regard ,une mise en forme supposé du réel souhaité par l’auteur.

Alors que la luminescence propose  une  vision nocturne du monde qui fait appel aux lumières intérieure que les esprits sensibles aux apparitions chérissent.

Cette lumière de l’ombre est propice a la magie qui procède par enchantement pour découvrir le monde.

Quand je ne perçois pas immédiatement le sens de ce que je voie je cherche à l’interpréter.

Car, avant même d’être signifiante la forme innommable fut charnelle et de fait c’est certainement la sonorité du monde qui nous amena à  décoder toutes ses formes ? le clapot de l’eau, le chuintement du vent,le crépitement du feu, le tintinnabulement des cloches,le craquement  des branches les hurlements des loups,le beuglement des beauvains,les hénnisements des cheveaux, le barrissement des ânnes, les chuintement, les pépiements, les roucoulements, les gazouillements, les gazouillis, les pépiements , les glapissements ,les gazouillis ,les gloussements ,

les les caquetages,les caquets, les croassements, les les murmures, les coucous , le chant du coq , le chant de l'alouette , les craquètements, les craquettements, les ramages , les piaillements , les sifflets, les glouglous, les craillements, les babillages, les braillements, les chuchotements, les graillements, les criaillements , les gémissements, les jasement, les piaulements, les piaulis,les tirelis, les hululations , les hululements, les ululation,les ululement , les gringottement, le babil, les cuicuis,les roucoulades ,les sifflements ,les cancanement, les sifflotements,les cacardement,les claquètement,les égosillements et bien d'autres sonorités ont du inspirer surement la musique du verbe...? 

 

Et c’est cela qui, sans doute ? qui nous conduit vers la forme .

Cette musiques qui nous hantent  à ce point  qu'elles  provoquent en nous le vocabulaire  ? 

Les mots ne montrent pas la vérité, il la dise, et la disant ils nous enlisent, et la lisant ils en disent ce qu’ils en lisent seulement.

En musique on dit toujours qu’on interprète, même quand on est l’auteur on interprète sa propre composition. Les mots ne sont-il pas les interprétations des sonorités perçues par l’oreille de l’homme ? Ces sons eux mêmes nous font signe: Ils annoncent la nature de changements : changement d'orientation dont les ruptures, les glissements, les brisures, ou les redéploiements, font sens. Ils modifient l’ordre d’un paysage alentour, nous en indique le degré de viabilité.

Ne dit-on pas d'un paysage qu'il est plus ou moins acqueuillant ?

Une phrase est aussi un paysage.

 

 

 

 


Un paysage c'est un espace qui se présente, une lumière qui éclaire, une clairière qui apparaît, c'est sous une forme ou une autre toujours une perspective qui ouvre sur l'avenir...

 

J'aime regarder le paysage d'hier avec les yeux de demain.

 

 

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*Les grotesques : décors peints sur les murs de maisons romaines ensevelies depuis des siècles et redécouvertes enterrées (donc semblables à des grottes) découverts à

Rome (et dans sa campagne) vers la fin du xve siècle, ainsi les ruines de l'antique palais de Néron (Maison dorée) en sont un exemple.

Le terme art grotesque se rapportant au grotto, art des artistes italiens de la Renaissance, en imitation des grotesques antiques.

 

* Géronimo avant de partir au combat se reliait, avec un bandeau posé sur les yeux l’empêchant de voir, à un arbre dont il pensait ainsi pouvoir puiser toute l’énergie.

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Publié dans introduction

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